by Biram Dah AbeidOctober 14, 2020
Cet article est également disponible en anglais (ici).
Mon engagement dans la résistance nonviolente à l’oppression sociale et politique à laquelle j’ai été confronté dès ma naissance a commencé d’abord par le questionnement que j’adressais à mon environnement familial mais aussi à mes maitres d’école. Ces derniers lisaient d’ailleurs dans les questions que je leur posais une forme de rébellion en herbe ou de remise en cause des assertions sociales et religieuses. S’en est suivi l’activisme au sein de mouvements d’élèves et d’étudiants contestataires, et l’encadrement de communautés villageoises faisant face à l’arbitraire de suzerains religieux et des féodalités terriennes. Ensuite, ma contestation s’est manifestée par l’appartenance et la création de mouvements de défense des plus humbles et d’exigence d’application des lois contre l’esclavage et le racisme.
Le stade actuel du processus est mon leadership à la tête de l’IRA qui, par la subversion religieuse et sociale de nature nonviolente, a suscité un espoir énorme chez les opprimés, beaucoup d’inquiétude chez les gouvernants et davantage de sympathie chez les observateurs et partenaires étrangers.
Le moment clé m’ayant amené à m’impliquer fut un incident dont j’ai été le témoin. À l’âge de 10 ans, j’ai assisté ébahi à une scène d’une rare violence entre un maitre et un esclave fort physiquement mais battu malgré la chétivité du maitre. On m’a alors expliqué que l’esclave était enchainé, mais je n’ai pas vu de chaines. Devant mon étonnement, on m’expliqua que ce sont des « chaines » psychologiques. Cet incident m’a beaucoup marqué !
Tout d’abord, les soutiens qui continuent à se maintenir et à nous rejoindre sont des personnes ayant mesuré la nécessité et la sacralité de l’engagement à haut risque dans ce mouvement. Ces personnes assimilent donc leur engagement à leur propre vie et à la vie de leurs descendants, d’où l’enthousiasme doublé de l’esprit du sacrifice, mais aussi l’assurance de la conformité de tous les actes militants posés par le mouvement à la légalité, à l’équité et à la morale mais aussi à l’humanisme. Les personnes engagées sont certaines que l’histoire retiendra qu’elles sont du bon côté. La preuve en est que tous les héros de notre mouvement, malgré ce qu’ils ont subi comme violences et tortures, ont toujours été fêtés et accueillis comme des héros par de larges proportions de notre peuple.
Tout d’abord, les membres fondateurs de l’IRA, par conviction matérielle et croyances morales et religieuses, ne reconnaissent aucun bienfait, aucune utilité à la violence. La violence déstructure la finalité de l’action au profit de l’homme. La violence est immaitrisable. Elle développe le mal, de l’oppression et de l’injustice, qui aimeraient toujours nous amener sur le terrain des confrontations violentes. Ce sont leurs terrains de prédilection. Ce sont nos discours et nos actions violentes qui peuvent leur permettre de justifier de donner libre cour à leur atrocité, à leur destruction et à la production du malheur.
À l’inverse, notre idéologie et notre action nonviolente et pacifique appartiennent à une école qui fonde la pérennité de l’espèce humaine, qui fonde l’avenir radieux et le bien être de l’humanité, qui fonde aussi la paix et l’intégration chez l’espèce humaine. Notre action nonviolente est non seulement conforme à l’aspiration des personnes opprimées, mais elle est également conforme à l’aspiration enfouie et dormante au sein des âmes des personnes violentes issues des groupes d’oppresseurs.
Parmi les activités liées à la résistance civile que l’IRA utilise, nous pouvons citer : les protestations de masses devant les symboles de l’injustice, comme les tribunaux, les commissariats de police, les ministères ; l’occupation nonviolente des lieux de manifestation de l’injustice ; les grèves de la faim ; ou l’utilisation de la prison ou des box des tribunaux comme tribunes pour déconstruire la force, l’omnipotence ou la coercition dont se targuent les oppresseurs et sur lesquels ils s’appuient.
L’une des plus grandes victoires à laquelle le mouvement est parvenu à ce jour est la démystification de la peur de la violence étatique et de la peur de la prison. Notre victoire se manifeste par l’élargissement continu de nos bases populaires malgré les tentatives de dissuasion des populations par la violence indicible qu’utilise le pouvoir. L’autre victoire non moins importante est le fait que la jeunesse mauritanienne s’est appropriée l’idéologie et le choix de la lutte nonviolente.
Biram Dah Abeid is an anti-slavery activist and politician from Mauritania. He founded the Initiative for the Resurgence of the Abolitionist Movement (IRA-Mauritania). IRA was a recipient of the 2016 James Lawson Award for Outstanding Achievement in Nonviolent Conflict.
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