by Micheline MwendikeJuly 02, 2025
Soixante ans après les indépendances, les sociétés africaines sont toujours marquées par les pesanteurs de la colonisation et des dictatures qui ont suivi. La vague des indépendances des pays africains des années 1960-1980 était le résultat du combat collectif de personnes plus conscientes des injustices subies par leurs concitoyens. Le désir commun de voir les populations africaines s’épanouir et bénéficier des chances offertes à tout groupe humain géré dans la dignité et le respect de son humanité a donné lieu au développement du panafricanisme, un mouvement politique qui a balayé tout le continent.
Rassemblement d'Activistes Panafricains, Nairobi 2024. Crédit : Afrikki.
Les peuples africains continuent de lutter. Cependant, les luttes de libération actuelles restent confinées dans leurs espaces géographiques respectifs, au point de faire perdre au continent sa conscience révolutionnaire. En réponse à ce défi, des mouvements sociaux d’Afrique ont mis en place Afrikki. Cette synergie de mouvements sociaux et d’activistes a pour mission de rassembler les dynamiques de transformation sociale dans un espace panafricain où ils peuvent mutualiser leurs efforts et renforcer leurs actions. Les acteurs du changement s'unissent pour se protéger, se connaître et se former afin de trouver des réponses appropriées aux préoccupations de leurs communautés respectives.
L’idée d’Afrikki est née en 2012, lorsque les activistes de différents pays ont pris conscience des similarités de leurs combats, menés dans des contextes nationaux diversifiés et isolés les uns des autres. Les leaders du mouvement sénégalais Y’en a marre et ceux des mouvements citoyens de la République démocratique du Congo (RDC), à l'instar de la LUCHA (Lutte pour le changement), ont entamé des discussions sur la manière de fusionner leurs forces pour mener des actions communes. En 2013, le mouvement citoyen Balai Citoyen a rejoint ces discussions informelles. Aujourd’hui, 30 pays africains sont représentés au sein du réseau Afrikki. Une équipe opérationnelle met en œuvre les programmes du réseau. Elle est appuyée par un comité de pilotage constitué des activistes issus de 8 pays émanant de l’assemblée générale.
L'auteure co-présente lors d'une conférence sur le pouvoir du peuple à Copenhague, avril 2025. Crédit : ActionAid Danemark.
Les membres du réseau Afrikki ont des profils et des engagements variés. Certains se concentrent sur la démocratie, d’autres sur le changement climatique, d’autres encore sur des sujets pour le moins controversés comme l'éducation politique, la défense des minorités LGBTQI+ ou les activités génératrices de revenus. Certains luttent dans des pays dirigés par des dictateurs, tandis que d'autres peuvent bénéficier d'une justice effective. En matière de réponses, la diversité des sujets et des contextes engendre des réponses spécifiques à chaque organisation. Dans certains cas, le soutien peut prendre la forme d'une déclaration ou d'une lettre adressée aux institutions. Dans d’autres cas, Afrikki amplifie la voix en partageant les messages sur son réseau, en organisant des rencontres spécifiques en ligne ou en présentiel.
En mars 2015, un groupe d’activistes sénégalais et burkinabè se rend à Kinshasa (République Démocratique du Congo) pour soutenir les activistes congolais dans leurs combats pour la démocratie. Lors d’une conférence de presse, ils sont arrêtés, torturés et emprisonnés dans des lieux secrets, avant d’être expulsés du pays. Accusées d'atteinte à la sécurité de l’État, les activistes Congolais arrêtés à leurs côtés ont été emprisonnées pendant 18 mois. Ils encouraient la peine de mort. Ce soutien d’activistes africains a donné un écho transnational au combat contre le troisième mandat de l’ancien chef d’Etat Congolais que le peuple Congolais a fini par gagner.
Par ailleurs, l’Université Populaire de l’engagement citoyen (UPEC), la plus grande et la plus prestigieuse des activités d'Afrikki, permet à des milliers de personnes de se former. Organisé tous les deux ans depuis 2018, il offre un espace de convergence à tous les acteurs intéressés par l'activisme en Afrique, qui y échangent sur le passé, l'avenir et les défis de l'activisme sur ce continent et dans la diaspora africaine.
Afrikki encourage, promeut et organise des rencontres physiques entre activistes. Lors des échanges en présentiel, des discussions constructives, des nouvelles idées et une meilleure compréhension des contextes émergent. Les activistes qui se rencontrent physiquement ont la capacité de se soutenir avec détermination lorsque l’un d’entre eux a besoin d'aide. On constate que les campagnes de dénonciation ou de demande de libération immédiate prennent de l’ampleur lorsque les personnes concernées ont déjà participé à des activités du réseau. Par ailleurs, le réseautage profite davantage à ceux qui savent tisser des liens humains solides et enrichissants avec des militants, des chercheurs et des acteurs des droits de l'homme sur le continent et dans le monde.
Afrikki est bien plus qu’un espace de solidarité, d’action et de formation. Le réseau sort les activistes de leur solitude. Ils se battent souvent pour des rêves et prennent des risques considérables. Dans leurs communautés, ils sont considérés comme utopiques, insatisfaits chroniques ou perpétuellement en colère. Au sein du réseau Afrikki, ils retrouvent des personnes qui leur ressemblent, les comprennent, les soutiennent et avec qui ils peuvent discuter librement et dans le respect.
Micheline Mwendike is an influential Congolese activist and co-founder of the nonviolent citizen movement LUCHA (Lutte pour le Changement). Also a writer, she is the author of La Guerre a échoué (not translated), a major work chronicling the history of Goma and the beginnings of the nonviolent struggle. It is considered one of the most widely read books by Congolese activists.
Micheline Mwendike est une activiste congolaise influente, co-fondatrice du mouvement citoyen non-violent LUCHA (Lutte pour le Changement). Également écrivaine, elle est l’auteure du livre La Guerre a échoué, une œuvre majeure qui chronique l’histoire de Goma et les prémices de la lutte non-violente, et qui est considérée comme un des livres les plus lus par les activistes congolais.
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