by AnonymousSeptember 23, 2025
Cette soirée de septembre 2025, jour de son anniversaire de naissance, Nora ne l’oubliera certainement pas de sitôt. Pour une surprise agréable, cela en fut vraiment une. " … il y a bien longtemps que je n’avais plus eu droit à une aussi belle surprise le jour de mon anniversaire," témoigne-t-elle, très émue.
Nora est l’épouse d’un défenseur des droits humains, originaire d’un pays de l’Afrique de l’ouest ayant trouvé refuge à la maison Karibu au Sénégal il y a quelques mois, pour se préserver d’une féroce persécution dans son pays d’origine. Il a dû quitter sa patrie avec femme et enfants, pour se retrouver à la maison Karibu au début de cet été, après avoir transité un bon moment dans un autre pays.

Des résidents partagent un repas à la Résidence Karibu. Dakar, 2025. Crédit : Sylvain Cherkaoui.
Cette année, Nora est à son troisième anniversaire fêté en exil. Les deux premiers, fêtés dans le pays où ils étaient avant de venir à la maison Karibu au Sénégal, témoigne-t-elle, restent des douloureux souvenirs pour elle. Tant elle les a passé dans la détresse et l’isolement. Il aura fallu qu’elle se retrouve cette année à la maison Karibu pour avoir ce privilège d’une fête d’anniversaire.
Ce soir-là, certains membres de la "famille" - c’est ainsi que l’ensemble des pensionnaires de Karibu appellent leur petite communauté au sein de la belle bâtisse blanche du bord de mer de la banlieue dakaroise – ayant appris que c’était le jour d’anniversaire de Nora, s’étaient activés secrètement pour lui faire une petite surprise. A un moment donné de la soirée, pendant qu’elle s’y attendait le moins, un beau gâteau d’anniversaire a atterri sur la table devant elle, sous des airs de "joyeux anniversaire…, joyeux anniversaire…" fredonné avec enthousiasme par l’ensemble du groupe. Nora n’a pas pu cacher ses émotions devant une telle attention en ce jour particulier pour elle. Son époux non plus. Les deux n’ont pas tari de remerciements pour leurs bienfaiteurs de co-pensionnaires.

Résidents dans un atelier artistique. Dakar, 2025. Crédit : Mouvement Y en a marre
Cette petite histoire de l’anniversaire de Nora est assez illustrative de la belle ambiance générale, de l’esprit de famille et de la qualité de vie qui règne à la maison Karibu, cette petite oasis de bien-être retrouvé pour défenseurs de droits humains, journalistes, activistes et bien d’autres, en détresse. Presque la dizaine, les pensionnaires de la maison Karibu proviennent essentiellement de pays d’Afrique de l’ouest, particulièrement des pays du sahel, dirigés par des juntes militaires autocrates et des pays de l’Afrique centrale affectés par des conflits armés.
La maison Karibu est une initiative du mouvement de la société civile sénégalaise Y en a Marre. Le nom Karibu, qui veut dire « bienvenue » en Swahili, la langue la plus parlée en Afrique, résume en lui seul toute la philosophie de ce programme totalement trempée dans la tradition d’hospitalité sénégalaise. Il se veut un lieu d’accueil et de répit pour militants en détresse. Mais bien plus qu’un simple lieu d’accueil et d’hébergement, il s’agit de tout un programme global intégré qui vise à faire de l’exil, non pas un tombeau des convictions et autres ambitions de l’exilé, mais plutôt un tremplin qui lui permette de se ressourcer, de se réinventer et pouvoir poursuivre toujours ses idéaux, même étant loin de sa résidence habituelle.
L’ambition ultime de Y en a Marre à travers un tel programme est de par à donner un visage, voire une autre définition, à l’exil.
Pour y parvenir, explique Maymouna N’Diaye, responsable suivi opérationnel du programme, celui-ci repose sur 4 piliers essentiels : le premier pilier est la mise à disposition des pensionnaires de moyens de subsistance et de coexistence, à travers un environnement sécurisé, garantissant des conditions optimales pour leur repos et une coexistence des plus agréables. Les résidents sont accueillis dans des chambres assez confortablement meublées et reçoivent des kits d’hygiène pour leur toilette quotidienne. Les trois repas quotidiens leur sont servis à des heures bien définies. Ils reçoivent en plus une petite assistance financière pour d’éventuels petits besoins particuliers.
Ensuite, le programme met un point d’honneur sur la santé et de bien-être qui constituent son deuxième pilier. En cas de besoin les pensionnaires sont conduits vers des spécialistes et les frais de soins sont pris en charge par le programme. Une attention particulière est accordée à la santé mentale, à travers le suivi d’une spécialiste qui accompagnent certains pensionnaires.

Participants à un atelier organisé à la Résidence Karibu. Dakar, 2025. Crédit : Mouvement Y en a marre
La formation et le réseautage, constituent le troisième pilier. L’ambition ici est de faire de la Résidence Karibu un véritable espace de partage d’expériences et de mise en réseau. Pour cela, une salle de conférence bien équipée, ainsi qu’une terrasse aménagée au-dessus du bâtiment et tenant lieu d’une sorte de salle de spectacle et une mini-bibliothèque sont des atouts. Les activités prévues dans le cadre de ce pilier n’ont pas encore véritablement débuté. Cependant, une résidence de création artistique, ayant réuni des artistes hip hop courant juillet dernier au sein de la maison, a permis aux pensionnaires d’avoir un avant-goût. Un cours sur l’histoire et la philosophie du hip hop, dispensé à l’occasion leur a permis de découvrir ce mouvement culturel sur lequel planent souvent des préjugées négatifs.
Enfin, l’insertion socio-professionnelle, dernier pilier est réservé aux pensionnaire désireux de s’installer durablement au Sénégal. A ce niveau, le programme prévoit l’intervention d’un spécialiste pour accompagner ceux qui s’inscrivent dans cette dynamique.
Le programme Karibu démontre à la perfection que l’hospitalité, la solidarité et la bienveillance des autres peuvent aider à atténuer les affres de l’exil, voire à en faire un tremplin vers une nouvelle vie réussie. Il reste certainement à lui souhaiter longue vie afin qu’il puisse faire tache d’huile.